A la mémoire d’un grand homme du spectacle malgache que fut Bayard.

 

A 6 ans de la disparation de Bayard, sa famille en France lui rendra hommage le 10 novembre prochain avec des artistes qui sont passés par le "Studio Bayard" à Mahamasina. C'est donc une occasion de parler de ce grand monsieur du spectacle malgache, connu comme une personne simple, cordiale, généreuse et gentille. Nous remercions surtout son petit frère, Marc Rakotondramasy, de nous avoir gentiment répondu oui, quant à nous parler de cet illustre personnage. Bayard mérite vraiment quelques lignes - qui ne seront jamais suffisantes pour tout ce qu'il a fait, car comme toujours, si un artiste réussit son spectacle, c'est aussi grâce aux musiciens et tous les techniciens derrière, en son et lumière surtout. Et Bayard faisait partie de ces techniciens.

 

Rondro Volantsoa   

 

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Bayard, de son vrai nom Ramasinony Herisoa Bayard Rakotondramasy, a vu le jour à Miarinarivo le 4 septembre 1943. Il est le second des 12 enfants de Rakotondramasy et de Razanadravelo Merline, originaires de la région d'Itasy. Sa mère est descendante d'une lignée d'artistes d'une famille royale – Andrianjakamahataitra - de cette région. Le 24 septembre 1966, il a épousé Louise Rakotomalala (Beby) et de cette union naîtra deux filles et un garçon. 

Dès son enfance Bayard s'intéressait à la musique. On se rappelle toujours d’une petite anecdote que, décrivant les instruments des "mpihira gasy", il appellait le “langoroana" par "ilay tsy amponga". La musique fait partie intégrante de notre culture familiale ; nous avons tous débuté dans des chorales puis chacun a pris ses orientations, en fonction de ses goûts et ses influences.

Dans le monde de la musique, plusieurs descendants des Rakotondramasy se sont fait un nom comme les Dillie, ses filles bien sûr, les Nada Angola, deux soeurs de Bayard connues dans le Kalon’ny Fahiny, les frères Raoloson, dont Miasy du Groupe Glap et Nada Band (bassiste/guitariste) à Genève, Mparany Rakotondramasy qui est passé par le Groupe Glap, Dillie (bassiste connu à Madagascar), et moi-même, Marc Rakotondramasy, guitariste de Nono Rakotondrainibe pendant un certain temps. Bref, dans la famille Rakotondramasy, chacun pratique sa musique.

Mais revenons sur  Bayard. Comme on sait, acquérir du matériel n'est pas chose facile à Madagascar, surtout quand on veut tout bâtir avec ses propres moyens. Ainsi notre grand frère, avec son salaire de fonctionnaire, économisait de l'argent pour "construire" son - disons - studio. Mais studio n'est pas le mot exact car, à l'époque, le studio était l'affaire d'un seul monopole : DISCOMAD. Nous, on parlait de “matériel” ou “matos” ou encore "entana". Donc Bayard a commencé par acheter une guitare acoustique de marque italienne (Eco). Puis, petit à petit, son matériel a pris de l'ampleur, ce qui lui a permis de créer l’ Orchestre Bayard vers la fin des années 60'/début 70’, constitué justement d'instruments de musique et de groupe de musiciens pour animer les bals. Des noms connus comme Del Rabenja et beaucoup d'autres musiciens sont passés par l’Orchestre Bayard. Le matériel était aussi en location pour les groupes ou orchestres qui ne possédaient pas leurs propres instruments.

Le nom de Bayard commençait à être connu à Antananarivo, même si au début, sa profession d’ enseignant de l’éducation nationale malgache l'envoyait dans le centre-sud de la Grande Île -  Ambatofinandrahana, puis à Fianarantsoa. C'est ainsi il a laissé une trace indélébile dans le monde du sport dans la capitale Betsileo. De retour à Antananarivo, à la maison à Mahamasina, il a consacré beaucoup de temps à aider les groupes qui débutaient dans la musique. Je me souviens du groupe Pumpkins qui, plus tard dans un article d'un journal local, a mentionné : "grâce à l'aide d'un copain nommé Bayard...".

Si je cite tout le monde, je risquerais d’oublier quelques-uns mais on peut dire que Bayard était la plaque tournante du rock dans les années 60’ et 70’ dans la capitale et tous les groupes, ou presque tous, sont passés par le “studio” à Mahamasina, dont Kelly Rajerison et son groupe Pumpkins sus-cité, mais surtout Nono (Roland Rakotondrainibe) qui était comme un frère pour lui.

Le 16 juillet 1976, Bayard réalise son rêve, celui de faire triompher le Rock à Tana. Pour la première fois, un Concert de Rock’n Roll et de Blues fut organisé au Centre Culturel Albert Camus avec  le groupe J Sam J sy Bayard et Nono.
J Sam J sy Bayard était un groupe composé de Jean Michel, un musicien de Fianarantsoa (au centre sur la photo) associé aux membres de l'Orchestre Bayard, Eric Rakotoarivony à la guitare (à gauche) et Yersin Ralambomiadana avec la basse (un autre petit frère de Bayard).

Plus tard, vers le milieu des années 80’, une nouvelle vague de musiciens et de musique Rock faisaient fureur dans la capitale malgache. Des concerts étaient organisés un peu partout et chaque week-end, la sonorisation BAYARD passait de scène en scène pour accompagner ce renouveau du rock. Parmi ces groupes qu'il a aidés et accompagnés, il y avait Balafomanga, Doc Holiday – il était en admiration du jeu du guitariste de ce groupe, Rapha le Célèbre que j’ai présenté moi-même au "studio" de mon grand frère pour leur premier pas dans le monde du show biz de la capitale, le groupe Men Out (avec Tony Herimalala, le fils de Bayard à la guitare, Mparany Rakotondramasy, le petit frère à la basse, Ary Raoloson à la batterie et Misa à la guitare aussi), les groupes Kazar et Lokomotiv.

Mais Bayard ne se contentait pas d’aider seulement les rockers ; il avait tissé des liens avec Lolo sy ny Tariny, Rossy, et sans oublier Xhi, dont la collaboration avec l'orchestre Bayard avait produit un titre publicitaire "Mora kokoa ny fiainanao ao amin'ny Magasin M", que l’on pouvait lire sur la pochette du disque "Xhi sy Maa sy Ry Bayard" et un autre titre "Bao tsy mivily" pour souhaiter l'arrivée des années 2000.

Bayard était attaché à la famille ; c'est pour cela qu'il a renommé ONY HERFI le groupe qui composait son orchestre en 1986 (ONY de Ramasinony, HER, les frères Raoloson les fils de Hery et  FI, pour Fianakaviana). Je participais activement dans cette entreprise familiale Bayard, en tant que membre de l'orchestre, puis après en tant que "sonorisateur" (installation des matériels et manipulation de la table de mixage en l'absence du grand frère).

En 1989, et pendant 10 années d’affilée, Bayard devenait le manager du groupe Dillie, créé par sa fille aînée. Carol Herimalala, interprète des titres « Tsy irery ianao » et « Mandehana », sa sœur cadette, Annick Nini Herimalala, chanteuse guitariste ainsi qu’une cousine et une amie formaient ce groupe dans ses débuts en 1987.

Malheureusement, d'autres obligations m'avaient éloigné du monde du show biz et à la fin des années 90’, je n'étais plus au courant des phénomènes musicaux de Tana. Par contre, Tony le fils de Bayard assure encore le fonctionnement du studio à Mahamasina depuis le décès de son père survenu le 6 décembre 2012 jusque à ce jour.

Le 8 décembre 2012, lors de son concert à Rennes, Nono rendait hommage à Bayard qui venait de rejoindre ses idoles du rock, avec des mots simples et justes qui reflétaient sa personnalité. Chuck Berry, sa principale influence le rejoindra plus tard.
Tandis que le 10 novembre 2018 prochain, à Paris, la famille organisera un concert avec les artistes habitant l’Hexagone qui ont connu Bayard et qui ont pu profiter de sa générosité comme Charles Kely, Milon Kazar, Zopanage, Agrazab et beaucoup d’autres et auquel vous êtes tous invités !

 

 

Tahirinjanahary Marc Rakotondramasy,
le 3 novembre 2018