Merci et bon voyage, Jean Emilien.

 

 

Stupeur et tristesse, voila les sentiments qui nous tenaillaient au réveil, et en cours de journée, quand le décès tragique de Jean Emilien, à l’aube de ce jour du 5 avril 2017, nous a pris de court.
Un arrêt du coeur à 54 ans, il s’en est allé sans crier gare, laissant un vide immense dans le monde culturel malagasy, mais sûr d’avoir laissé un énorme héritage avec sa musique, une fierté pour notre culture.
De tant d’encre qui ont coulé aujourd’hui pour se rappeler de l’artiste et de son parcours, de tant d’hommages et de marques de sympathie qui ont fusé partout, nous aimerions juste conserver par cet article les mots de trois personnes parmi tant d’autres qui ont fait le chemin avec lui – pour que l’histoire les garde à jamais. Pour l' honorer. Pour lui dire merci.

Rossy, le premier à donner les nouvelles, n'en revient pas.On avait une passion commune : le kabosy et l’harmonica. Découvert pas les zokibe de la culture malgache des années "vokatry ny tany" sur un parking de taxi-brousse à Fianarantsoa, son premier enregistrement remontait au début de l’ère des Radio FM – Feo Manga, Feo Milay - par l’équipe de Nicolas Ratsimandresy, Josette Ranjamana, Venance Rasamimanana. Puis Abel Rakotozanany, Tsilavina Ralaindimby et les frères Randriamifidimanana ont pris la relève. Jean-Claude Vinson son manager l’a emmené le plus loin possible dans sa carriere.”
Et lui de continuer :c’est un bon vivant, jovial et be resaka comme tout Betsileo qui se respecte, membre actif du syndicat des artiste, il avait des projets plein la tête. On a fait évoluer le kabosy chaque fois qu'on rencontrait des luthiers européens, americains, malgaches bien sûr. Il avait un kabosy-fender, moi un chaendler ; il avait un autre fabriqué par un français tandis que le mien était fabriqué par Kramer, marque américaine. On a fait découvrir Madagascar au monde entier : festivals en France, Canada, aux Etats-Unis, à Masa (Marché des Arts du Spectacle Africain) à Abidjan.
Avec son habituel humour : "vous savez pourquoi Jean Emilien chantait toujours avec une voix de mickey ? Parce qu'il n'y avait que des harmonicas en DO chinois à Madagascar et c'était trop haut pour sa voix, mais en même temps ça lui permettait de chanter fort (gueuler, oui...) sans micro partout, comme au bon vieux temps où il chantait dans les gares de taxi-brousse pour gagner sa vie.
Avec  une pointe d’amertume, il rend hommage àun ami qui a tant donné pour ce pays et qui est parti sans le sou, victime des pirates, et l'incompréhension de ses compatriotes, mort dans la misère comme tant d’autres vrais artistes.”

Jean-Claude Vinson, ému, très ému, reparcours en arrière leur chemin ensemble : "1983, fut ma première rencontre avec toi, Jean Emilien, tu faisais la première partie de l'américain Jimi Cuomo que je produisais au Roxy.
Entre 1990 et 1995, j’étais ton manager et producteur et je te faisais passer deux fois à l'Olympia, une fois à Paris Bercy, en première partie de Santana. Tu jouais 30 minutes devant Carlos et tu ne le voyais pas, mais Carlos Santana dansait derrière ton ampli de Bercy pendant que tu jouais. Deux tournées aux USA, une tournée canadienne et tu étais la révélation de plusieurs festivals dont celui de Vancouver (Canada), celui d'Angoulême, etc.
Tu partageais une page du New York Times avec Paula Abdul et Kenny Loggings.
A Detroit, dans le Michigan, tu remportais la médaille mondiale d'harmonica et les notes du jury étaient tous à 20 sur 20, pas une note en dessous de 20, c'était du jamais vu ! A ce moment précis tu ramènes pour Madagascar la première médaille d'Or mondiale de son histoire (sport confondu) .

Des tournées en Afrique, en Europe jusque dans le cercle polaire de la Suède.
Sur le CD "Ezaka", justement sur cette chanson "Ezaka" tu étais en duo avec Little Bob.
Aux Jeux de la Francophonie de Paris tu étais membre de jury auprès de Manu Dibango, du sculpteur César...
Il y a tellement de choses qu'on a vécu ensemble que j'en oublie, frère. On s'est vu la semaine dernière à Tana, tu étais avec ton vieux scooter !!! depuis je suis revenu en France.
Salut frère, j'ai toujours cru en toi. "Ny Aina aloka aman-javona : mihelina dia lasa". Salut letsy J.E, comme aimait t'appeller notre pote Tsi.
"

Et Tsilavina Ralaindimby qui s’incline devant le destin : “Ny olon-tsara tsy maintsy mandeha toa ny rehetra fa ny maminy tavela.

 

Mise à jour :  en cette journée du 6 avril, le Ministère de la Culture l'a élevé au rang de "Officier de l'Ordre National" au Théatre Municipal d'Analakely.

Son dernier voyage pour la terre de ses ancêtres se fera en trois étapes : Antananarivo lui rendra l'ultime adieu au Tranompokonolona à Analakely le jeudi 6, Fianarantsoa l'accueillera le vendredi 7 vers 17h et Ambalavao Tsienimparihy à la Mairie le samedi 8.

Nous, de RadioVazoGasy, nous ne pourrons que lui souhaiter un bon voyage vers cet autre monde. Vers ce monde où l'ont déja précédé Tata Rahely, Rakoto Frah, Elie Rajanaorison, Doda, Patsa, Daroul, Nonoh, Richard Razafindrakoto et d'autres encore. Nous pourrions imaginer un Festival, là haut !
Nous sommes de tout coeur avec toute sa famille et ses amis en ce moment de douleur. Ce n'est qu'un au revoir.
Misaotra Jean Emilien, mandra-pihaona indray andro any !

 

 

 

Rondro Volantsoa